Skyrock.fm : Bonjour Sinik.
Sinik : Salut.
Skyrock.fm : Ça fait plaisir de te recevoir, on a eu la chance d’écouter l’album un peu avant tout le monde. Le toit du monde sort le 10 décembre. Là tu en es à quel stade ?
Sinik : Il est quasiment fini. Il reste 2 morceaux à poser, quelques retouches…Mais 90% de l’album sont faits. Je suis content, c’est la meilleure période, celle où tu respires un peu, où tu peux analyser ton album avec le recul.
Skyrock.fm : Et justement, quel est ton recul ?
Sinik : Beaucoup de changements par rapport à Sang Froid, des choses en plus, de nouvelles sonorités, des flow qui varient plus et des thèmes encore mieux choisis je pense. Pour moi, c’est ce qui fait un bon album. J’ai bien analysé Sang Froid, qui est un album ouvert, volontairement, maintenant, ce n’était pas un choix calculé, je voulais revenir quand même à un côté brut. Je voulais un album plus rappé et fourni. J’étais content pour Sang Froid, mais c’est bien d’avoir 1 an, 1 an et demi de recul parce que ça te permet de juger, voir ce que tu peux faire en mieux. Mon but, c’était de faire mieux.
Skyrock.fm : Comment s’est fait le travail sur Le toit du monde ?
Sinik : Tout seul à la maison. Mais à la base, il faut savoir qu’il y avait un album qui était prévu avec Mélanie (Diam’s ndlr), et j’avais pas mal d’idées. L’album ne s’est pas fait, et j’avais toujours de côté ces idées, c’est pour ça que j’avais une grosse base par rapport à un album. J’avais déjà 8 thèmes, des sons…On a fait un mois super productif où j’ai écris 6 textes. C’était vraiment un travail introspectif. Mais pour te parler du travail global de l’album, j’étais à la maison, tout seul, en mode écriture, comme d’habitude. Mon seul challenge, c’était de faire mieux.
Skyrock.fm : Tu as écris pas mal de textes au final, tu as dû en choisir ?
Sinik : Non, je n’ai jamais travaillé comme ça. Je n’ai jamais aimé cette méthode si tu veux. Il y en a qui la font bien, mais je ne suis pas pour le principe de faire plein de morceaux et de les choisir. Je suis plus pour trouver d’entrée ce qu’il faut et les faire tout de suite. Ça me parait plus véridique. Parce que faire des morceaux en se disant qu’ils ne seront peut-être pas dans l’album, peut-être qu’inconsciemment tu les feras moins bien. Moi je travaille morceau par morceau, je trouve les thèmes et j’avance dessus.
Skyrock.fm : Le premier morceau, c’est De tout là haut avec Kayna Samet. Pourquoi avoir décidé de lancer ce titre plutôt qu’un autre ?
Sinik : Parce que je trouve que c’est un bon classique de ce que je fais habituellement, en mieux, en nouveau. Ça kick, c’est ma vision du rap, avec les punchline, les phases qui s’enchainent, débiter, rapper…J’estimais que c’était un bon classique à donner aux gens, avec un bon thème, version 2007. C’était une manière de montrer aux gens et de dire "ne vous inquiétez pas, les gens blablatent, mais quand il s’agit de rapper, on est là, on a toujours des thèmes". C’était plus pour rassurer les gens au niveau du kickage d’instrus. Comme L’Essonne’Geless, c’était une idée de faire une cassure, de montrer qu’il y avait d’autres délires, où vous n’auriez pas imaginé que je pouvais rapper sur ces instrus. Le 3ème qui arrivera, Dans mon club, c’est encore un autre délire, tu vois ce que je veux dire ? Mon but, c’était de surprendre les gens. C’est le 3ème album, mais on n’est pas du tout à bout de souffle, au contraire, il y a de plus en plus d’idées. Pour chaque morceau lâché, c’est réfléchis. On sait pourquoi on balance ce morceau et pas un autre. Le toit du monde, c’est aussi beaucoup par rapport à ce morceau là. De tout là haut est le premier morceau qu’on a enregistré, et il a toute une histoire dans l’album. C’est pour ça qu’on l’a mis en avant parce que d’entrée il nous a mis une claque. On s’est dits, ce morceau est bon, on va faire plaisir aux gens.
Skyrock.fm : Le thème c’est Sinik mort. Comment on imagine ça ?
Sinik : Ça ne me fait ni chaud ni froid. Au contraire, ça m’inspire grave. Pour la petite histoire, j’ai écris la chanson super rapidement. Si le thème est bon, ça m’inspire grave. Tu imagines ce que serait la vie si tu pouvais la voir une fois mort ? Je suis partie de là et ça m’a inspiré tellement de choses que j’en ai fait un 32, un 24…un morceau complet. C’est ça la musique, c’est spontané. Je pars toujours d’un bon thème ou d’une bonne instru.
Skyrock.fm : Tu disais tout à l’heure qu’il y avait une ouverture pour cet album. Je ne connais pas encore le titre des chansons, mais par exemple, Dans mon club, c’est une instru sur laquelle on n’aurait pas imaginé que tu poses. C’était un challenge ou une envie d’avoir ces sonorités à ce moment ?
Sinik : C’est un peu des deux. C’était une volonté d’ouverture musicale, mais que je n’ai pas calculé. C’est mon 3ème album donc je me permets plus de choses au niveau des instrus. C’est aussi une manière de dire aux gens, vous parlez beaucoup mais si je veux, je le fais quand je veux et j’essai de donner un peu de tout dans l’album. C’est-à-dire, du classique et du nouveau, il faut trouver un équilibre.
Skyrock.fm : Tu tacles toujours.
Sinik : Toujours. Je suis un grand défenseur.
Skyrock.fm : Mais cette fois, on découvre une facette plus marrante, comme avec Dans mon club, où tu parles de Tony Parker qui nettoie les chiottes et le parquet.
Sinik : Toujours, c’est aussi la marque de fabrique. Ça n’a jamais été méchant, j’ai toujours eu des têtes de turcs du moment et tant que ce n’est pas méchant…Je le dis, parce que je sais qu’on va me parler de cette phase. Je n’en veux pas à Tony Parker, l’homme ou le basketteur, j’en veux juste au mec qui se prend pour un rappeur et qui n’a pas le niveau, ça s’arrête là. Ce n’est pas gratuit ou méchant.
Skyrock.fm : Non, c’est plutôt drôle.
Sinik : Dans les clashs, la méchanceté gratuite ne sert à rien. Il y en a qui croient être hardcore en étant vulgaire mais ce n’est pas ça.
Skyrock.fm : C’est aussi un titre qui peut faire danser les gens.
Sinik : Je fais de la musique, donc j’essaie un peu tout. Ça m’est déjà arrivé d’aller en boite et d’entendre des morceaux comme Ne dis jamais. Je ne te cache pas que ça fait toujours plaisir de voir les gens danser sur tes titres, même si à la base ce n’est pas ta fonction première. Quand j’ai commencé le rap, je ne pensais pas à ça. Là je suis fier de Dans mon club parce que c’est un bête de morceau. Tout le monde est unanime, tout le monde bouge la tête dessus, que c’est frais, nouveau…
Skyrock.fm : Il y a aussi des morceaux qu’on a bien aimés comme Daryl. C’est la correspondance entre un jeune d’Afrique et toi.
Sinik : C’est une histoire vraie. J’ai remarqué que dans chaque album, il y a un truc que j’ai vécu et dont je fais un morceau. Je m’inspire des choses que je vis et naturellement j’en fais un morceau. Quand je suis partie au Gabon, que j’ai vu l’Afrique et comment c’était démesuré au niveau de l’accueil. Daryl c’est un môme qui te donne la pêche, il vit des galères de ouf, il kiffe tellement le rap français qu’il le connait mieux que toi. Tu lui donne un t-shirt, tu as l’impression que tu lui as donné une maison sur la Côte d’Azur. Pareil, au niveau du refrain, ce sont d’autres sonorités, on a ramené une super voix Africaine, et là aussi je pense que ça va surprendre les gens. On s’est pris la tête sur l’album, c’est le 3ème et je ne suis pas revenu avec mes acquis. Je me remets en cause à chaque album, je veux toujours faire mieux. Le jour où je me rendrais compte que je n’y arrive pas, je n’attendrais pas qu’on me rende mes contrats, j’arrêterai de moi-même. Ma seule crainte c’est de faire de mauvais albums et qu’on me dise que j’ai régressé.
Skyrock.fm : Il y a aussi de la nostalgie.
Sinik : Toujours.
Skyrock.fm : Avec deux titres, Mes pensées et Inconsolable.
Sinik : Tu vois, je suis toujours comme ça. Tant que j’écrirais des chansons, je pense que j’aurai toujours ce côté-là. C’est en moi, je n’ai jamais caché que j’étais un grand nostalgique des années où on avait des délires simples. On n’avait rien mais on n’avait tout. J’en parle, je ne le fais même pas exprès, ça glisse tout seul. C’est un besoin de parler de cette époque et de représenter les mecs avec lesquels j’ai grandi. La musique c’est ça, faire plaisir aux gens.
Skyrock.fm : Ce sont des bases qu’il ne faut pas oublier.
Sinik : Si tu commences à les oublier, c’est grave même. Quelque part je suis rassuré parce que je suis toujours en demande de ça, de mes potes, du quartier et je ne suis pas inquiet. Quand tu commences à oublier ça, faut arrêter la musique parce que tu vas commencer à raconter de la merde. Je n’ai pas besoin de m’élargir plus, les gens à qui je parle me suffisent. Tant que je leur parle bien, je suis heureux.
Skyrock.fm : Comment tu expliques "On n’avait pas la haine de grandir aux pieds des pavés".
Sinik : C’est aujourd’hui que ça se répercute, parce que pour nous, on avait une vie quasi-normale. Comme on ne sortait pas d’où on était, on ne savait pas ce qui se passait ailleurs. Quand tu grandis, tu te rends compte qu’on t’a eu, qu’on t’a parqué dans des endroits et que tes parents, on était bien contents de les trouver quand ils devaient travailler. Au final on nous a tous laissé crever. C’est en grandissant que tu mets le point dessus et qui te mets la haine. Je m’en suis rendu compte vers 16,17 ans, quand j’ai commencé à rapper et le rap était le meilleur moyen de le faire. C’est pour ça que mon style d’écriture je l’ai depuis mon premier morceau. Ce n’était pas la guerre ou la famine, mais c’était la merde. Ce n’est pas facile à vivre tous les jours, mais plus tu grandis, plus tu t’en rends compte.
Skyrock.fm : Il y a un autre titre, Elle.
Sinik : Qui est la reprise de Ma France à moi.
Skyrock.fm : Tu parles, à l’inverse du morceau de Diam’s, de ta France. C’est laquelle ?
Sinik : Ce sont tous ces jeunes. Diam’s te parlait de sa France, j’estime que c’est sa France, alors je voulais donner ma vision. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas d’accord avec, loin de là. Mais ça aurait été intéressant d’avoir le point de vue d’un garçon. Son morceau a parlé à beaucoup de gens, j’espère que ce sera pareil pour le mien. Je voulais apporter d’autres trucs, c’est tout l’intérêt quand tu fais une reprise. C’est juste apporter quelque chose de frais. Tout est différent dans le morceau, le refrain n’est pas le même…C’est le thème qui revient juste.
Skyrock.fm : Quand est venue l’idée de faire ce morceau ? La première fois que tu l’as entendue ?
Sinik : Non c’est quand à la base on préparait l’album avec Diam’s. On avait prévu de faire une reprise de l’un et l’autre, pour moi celui-ci, et elle, Règlement extérieur, de mon premier album. Elle l’a fait comme un règlement de meuf, et c’est tout l’intérêt. L’album ne s’est pas fait, je ne sais pas ce qu’elle compte faire du morceau, qui est mortel d’ailleurs. Moi je ne pouvais pas le laisser comme ça parce que je trouvais qu’il avait largement sa place dans l’album.
Skyrock.fm : Dans cet album il n’y a qu’un seul featuring ?
Sinik : Non !
Skyrock.fm : De ce qu’on a entendu en tout cas !
Sinik : Il y a Kayna Samet qui fait le refrain, Kery James, Mélanie, et un jeune rappeur qui s’appelle Cifack.
Skyrock.fm : Qui est sur 1 milliard d’euros.
Sinik : Oui. C’est un truc que j’ai toujours voulu faire. En toute modestie, j’estime que j’ai un peu de bagage et d’expérience pour avoir des choses à apporter aux jeunes. Le seul truc, c’était de trouver un jeune qui ait faim et qui sache rapper. On a trouvé Cifack, c’est un bête de petit mec qui a la dalle, qui a tout ce qu’il faut pour réussir dans le rap. Je ne me suis pas dit "c’est un inconnu, je ne le mets pas", j’en ai rien à foutre de ça. Comme à chaque fois que je m’engage, j’y vais à fond. On a fait un bon morceau, il sera avec moi en tournée et je pense qu’on va en entendre parler assez souvent. C’est un autre travail, tu repars à zéro, il n’est pas connu, ton bagage ne lui sert pas, ce n’est pas ça qui va le faire signer en maison de disques. C’est un autre travail que je kiffe, driver, c’est mortel.
Skyrock.fm : Ça permet de rester en phase avec la jeunesse.
Sinik : Je n’ai même pas besoin de ça. Ils sont là à mes concerts, ils sont toujours là. Mais je me mets à leur place parce que j’aurais bien aimé quand j’étais jeune, que quelqu’un d’installé, me mette des studios à disposition et tout. C’est une manière de lui faire gagner du temps.
Skyrock.fm : Et de transmettre le flambeau.
Sinik : J’ai toujours dit que si je produisais 3 ou 4 jeunes, je serais le plus heureux. Parce que j’aurais transmis quelque chose et je serais toujours dans le rap, même si ça ne sera pas dans la lumière. Je n’ai pas un égo surdimensionné et je n’ai pas besoin d’être dans la lumière. Plus tard sera le mieux, mais un jour ça arrivera. C’est tout aussi enrichissant de se remettre en cause.
Skyrock.fm : Qu’est-ce qui va se passer ces prochains mois ?
Sinik : Je vais finir l’album dans un premier temps et puis comme chaque sortie d’album, je vais commencer à en parler comme on le fait aujourd’hui et puis on va attendre la sortie. Je n’ai pas d’angoisse particulière.
Skyrock.fm : T’as l’air assez serein.
Sinik : Ce n’est pas ça, mais partant du principe que l’album est meilleur que Sang Froid, c’est quelque chose qui me rassure. Je ne dis pas qu’il va marcher ou quoi, mais juste qu’il ne va pas décevoir les gens. Sachant que tout le monde me dit que c’est mieux que Sang Froid, je me suis rassuré artistiquement, comme mon challenge était de faire mieux, après je ne suis sûr de rien. La musique ce n’est jamais sûr et vous êtes au courant tout comme moi que c’est super dur pour tout le monde. A la base, le plus gros taf, c’est la création.
Skyrock.fm : On n’a pas parlé des prods. Avec qui tu as bossé ?
Sinik : J’ai la même équipe que pour Sang Froid, avec Kilomaître qui a fait quelques titres, Enterprise, il y a beaucoup de nouveaux, Mounir, qui a fait 3 sons, Loïc, un petit jeune de Marseille, Kaho, que Kool Shen m’a présenté, qui avait une palette de 10 instrus, dont une qui était celle de L’Essonne’Geless. Ils ont ramené des trucs frais, nouveaux…On s’en fout de savoir s’ils sont connus ou pas. Il y a Yvan, Sofiane et d’autres que j’ai oublié. Même eux avaient un challenge parce qu’il fallait ramener des nouveaux sons. J’étais en forme au niveau de l’écriture et eux étaient actifs au niveau des sons donc ça a été efficace.
Skyrock.fm : Si tu as quelque chose à rajouter.
Sinik : L’album sort le 10 décembre et il y a une tournée de 17 dates, à partir de la mi-février. Il y a un Zénith le 28 mars. On va dans des villes qu’on a fait, il y a de nouvelles dates aussi parce que c’est toujours un challenge de se dire qu’on ne connait pas cette ville. A force de faire les villes, on commence à connaitre les réactions des gens. Et c’est toujours mortel quand tu n’as pas de garantie, ça te motive toujours. Ça évite d’être moyen sur scène, parce que ce n’est pas toujours acquis. C’est sûr que c’est mortel d’aller dans des villes et voir les gens crier, c’est facile, mais c’est aussi bien d’aller au charbon.
Le Zénith, je l’ai fait au moins 7 fois en tant qu’invité et là c’est une petite fierté personnelle. C’est une grosse date et on va essayer de donner un show à l’image de la salle. Que ce soit un bête de souvenir pour tout le monde, l’équipe 609, les gens des Ulis, les proches, vous, tout le monde. On aura bien bossé.
Skyrock.fm : Merci.
Sinik : Merci à vous.